La parole aux visiteurs, dans Traces du sacré
Faire participer le public, c’est le leitmotiv de bien des concepteurs d’expositions de science et de société depuis des dizaines d’années maintenant, et de manière plus récente celui de certains commissaires d’exposition d’art. Pourtant, les dispositifs technologiques conçus sont souvent assez limités, soit parce qu’ils enferment leurs utilisateurs dans des scénarios prévus d’avance, soit parce qu’ils ne permettent pas les échanges entre ceux qui les utilisent et ceux qui ne les utilisent pas.
C’est semble-t-il cette double limite que tente de dépasser une nouvelle génération d’outils, à l’exemple de celui mis en place à l’occasion de Traces du sacré (Centre Pompidou, 2008). Le principe : proposer aux visiteurs de réagir à l’exposition de manière libre, via une application d’annotation présente sur l’audioguide ou via leur téléphone portable, et de rendre accessibles leurs écrits à tous. En somme, il s’agit de donner la parole aux publics afin que tous ceux qui le souhaitent puissent bénéficier des commentaires et réflexions individuelles. Dispositif de partage des connaissances donc, mais aussi relais pour exprimer ses émotions, son bonheur ou son énervement devant une œuvre, la scénographie d’une salle, le contenu d’un texte de l’exposition, ou n’importe quoi d’autre… Aux visiteurs de livrer leurs points de vue, à eux de s’engager !
L’utilisation de ce dispositif pour Traces du sacré s’explique facilement. Le Centre Pompidou, qui s’attendait à de nombreuses réactions passionnées relatives au parti pris thématique, désirait désamorcer pour partie les polémiques en leur faisant une place au sein même de l’exposition. Mais qu’en a-t-il été réellement de la participation des visiteurs ? Le forum en ligne (http://web.iri.centrepompidou.fr/traces/forum/main/com) ne permet malheureusement pas d’en juger puisqu’il ne livre qu’une sélection, d’ailleurs très limitée, des participations.
Est-ce à dire que les visiteurs n’ont pas répondus présents ? Car entre la lecture des textes de l’exposition, l’écoute des commentaires fournis par l’audioguide, la contemplation des œuvres, la progression physique dans l’espace scénographique et les échanges oraux entre visiteurs, y a-t-il encore la place dans l’espace et le temps de la visite pour quelque chose d’aussi ambitieux que la rédaction de notes ? Sous un autre angle, les publics tiennent-ils autant que le souhaitent les professionnels de musées à faire partager leurs émotions, leurs pensées et leurs réflexions ? Entre pudeur et sentiment de ne pas être légitime pour produire un avis, là encore, y a-t-il place pour quelque chose ?
Plus d’information sur le dispositif, au demeurant riche de potentialités :
http://web.iri.centrepompidou.fr/traces/forum/stat/front
Nicolas Blémus